La “continuité pédagogique”, ou comment se donner bonne conscience

C’est le nou­veau mot à la mode, la “conti­nui­té péda­go­gique”. Sur le papier, cela signi­fie que l’en­fant qui reste à la mai­son conti­nue­ra de tra­vailler et aura un sui­vi avec son prof.

Je vais par­ler de mon niveau, le CE1, mais ça me fait fran­che­ment bien rire jaune. Nous sommes bien d’ac­cord, je tra­vaille pour l’é­ga­li­té des chances, peu importe le milieu cultu­rel, finan­cier, etc. Chaque enfant doit béné­fi­cier des mêmes chances, c’est peut-être le prin­cipe n°1 de mon métier d’a­près moi.

La conti­nui­té péda­go­gique, c’est comme résoudre une équa­tion à 4 incon­nues, si notre cher ministre sait faire, je veux bien qu’il m’é­claire :

  • J’ai 6 élèves qui n’ont ni ordi­na­teur, ni inter­net chez eux.
  • Des CE1 ne savent pas taper à l’or­di­na­teur, ils en sont encore à tra­vailler leur coor­di­na­tion au niveau de la sou­ris (clic droit/clic gauche, dépla­ce­ment, double clic, c’est déjà très dur). Le cla­vier c’est ingé­rable, c’est plu­tôt en fin de CE2/début CM1 que ça com­mence dou­ce­ment à se mettre en place. Et dou­ce­ment.
  • S’ils écrivent à la main, ils leur faut un scan­ner pour m’en­voyer leurs pro­duc­tions. L’É­tat le four­ni ?
  • Je cor­rige com­ment, j’im­prime tout ? encore une fois sur mon argent per­son­nel ?

Donc au final, c’est quoi leur conti­nui­té péda­go­gique ? Envoyer du tra­vail puis la cor­rec­tion en déca­lé, sans avoir aucun retour ? Si 1/3 de la classe fait effec­ti­ve­ment le tra­vail parce que les parents sont der­rière, ça serait déjà bien. Et les deux autres tiers, j’en fais quoi ? Éga­li­té des chances, tout ça ? Et on en parle que la loi inter­dit de don­ner des devoirs écrits depuis les années 50 ? Pour jus­te­ment l’é­ga­li­té des chances ?

Sans par­ler que, hé oui, sur­prise, mais ensei­gner, ça reste un métier jus­qu’à preuve du contraire. J’en­tends déjà les crises de nerfs, les parents qui s’é­nervent par manque de patience, les enfants qui diront qu’ils pré­fèrent quand c’est le/la maitre.sse. Et ça sera nor­mal tout ça !

On ne peut pas faire ce métier à dis­tance, c’est juste impos­sible. Le ministre/président a balan­cé cette infor­ma­tion en tout légè­re­té, pour ras­su­rer les parents j’i­ma­gine, mais c’est leur don­ner des men­songes, et encore une fois atti­ser les rela­tions déjà dif­fi­ciles entre parents et profs. J’ai déjà eu des parents qui m’ont cho­pé ven­dre­di au por­tail pour me deman­der com­ment j’al­lais mettre en place ma classe à dis­tance. Mais je n’en sais rien, j’ai appris ça en me levant le matin (je me couche à 20h le soir et levé à 5h), dans les médias, comme tout le monde. C’est une infor­ma­tion balan­cée comme ça, par des per­sonnes qui ne font pas ce métier et ne se rendent pas compte de la réa­li­té de la tâche, et qui oublient même leurs propres lois. Ils diront que ce n’est pas des devoirs ? La défi­ni­tion d’un devoir c’est bien un tra­vail fait à la mai­son, non ?

Bref, encore une vaste fumis­te­rie comme notre gou­ver­ne­ment sait si bien le faire.

La bonne réponse aurait été de dire que l’é­cole ferme quelque temps, que ce n’est pas grave si les enfants loupent quelques semaines voire mois d’é­cole, qu’un enfant ne va pas rater sa vie pour si peu, mais en aucun cas de faire croire que l’é­cole va conti­nuer alors qu’elle ferme.

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One comment

  1. En réponse à tes deux articles, je tiens à te dire que je sou­tiens tes choix.
    Mes voi­sins ont leurs deux enfants chez eux, niveau grande primaire/collège et j’i­ma­gi­nais déjà leurs profs galé­rer avec le peu que j’en ai vu/entendu.
    Les enfants ont de la chance, ils ont des parents qui gèrent ça plu­tôt bien, et avec le beau temps, ils peuvent réviser/apprendre dans le jar­din.
    Mais der­rière, t’as les pro­fes­seurs qui appellent tout les jours pour savoir ce qu’ils ont fait, d’en­voyer des pho­tos des exer­cices pour qu’ils puissent cor­ri­ger, voir de se mettre en visio via skype (beurk).
    Cou­plé à chaque élève, j’i­ma­gine l’en­fer.

    Et tout à fait d’ac­cord sur le fait que ce n’est pas quelques jours/semaines de cours en moins qui vont rui­ner leur vie.
    Un simple “pas­sez du temps chez vous avec votre famille, redé­cou­vrez les joies des jeux de socié­tés, et lisez un peu chaque jours” aurait suf­fit ;)

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