Je suis défoncé

Ce WE, je ne vais pas en faire lourd.

La semaine pré­cé­dente, j’ai pas­sé une sale semaine. Plein de bou­lot, des articles scien­ti­fiques et de recherche à cher­cher et à ana­ly­ser, pour mon mémoire. Mer­cre­di matin j’é­tais en classe, l’a­près-midi à la fac.

Je n’ai pas arrê­té. Jeu­di après midi j’é­tais “visi­té”, com­prendre quel­qu’un m’ob­serve au fond de la classe et fait un rap­port. Comme la pre­mière fois, ça s’est très bien pas­sé, j’ai eu un très bon rap­port, bref c’est cool.

Le soir à 22h max je tombe de som­meil, je dors 8h par nuit, l’im­pres­sion d’en dor­mir 6.

C’est vrai­ment un bou­lot par­ti­cu­lier. Je l’a­dore, il est hyper enri­chis­sant, mais il me vide, il m’es­sort.

Jeu­di je suis par­ti de l’é­cole à plus de 19h, j’ai ter­mi­né mon tra­vail au fond du lit à 23h30.

Comme j’ai déve­lop­pé le site web de l’é­cole (mer­ci encore Gilles en pas­sant pour ton aide, tu m’as fait gagner du temps !), je me suis occu­pé à gérer le groupe blog de l’é­cole ven­dre­di soir. 8 CM. J’ai décou­vert à quel point un enfant de 9/10 ans est dif­fé­rent d’un enfant de 7 ans, avec mes CE1. Ils sont beau­coup plus vifs, cherche à vous avoir, vous testent. Il faut savoir rire avec eux, sans être pris pour un con. En CE1 on les motive, on les féli­cite. En CM2 on est beau­coup plus moqueur (tout en res­tant bien­veillant évi­dem­ment). Mais c’est comme ça qu’ils retiennent. On les met en face de leur bêtise. Étant dans une zone dif­fi­cile, il faut sans cesse leur don­ner des choses qui changent, ils se lassent très vite.

Je galé­rais dans ma classe avec un élève qui déran­geait sans arrêt la classe, refu­sait de tra­vailler, ne vou­lait pas ren­trer en classe, frap­pait les autres, etc. J’ai enfin trou­vé com­ment le gérer. J’ai réus­si à lui faire dire qu’il n’aime pas avoir des gens der­rière lui en classe, il veut contrô­ler la classe. Je l’ai donc mis au fond, tout seul, et cela a réso­lu qua­si­ment tous les pro­blèmes ! Je le noie sous le tra­vail, il n’at­tend que ça. Il n’a pas une seconde à lui, quand il a fini un tra­vail, je lui en donne un autre. Il n’a pas du tout le temps de s’en­nuyer. Je le prends aus­si en APC (aide com­plé­men­taire), le jeu­di entre midi et deux. Il passe un moment pri­vi­lé­gier avec le prof, le prof l’aime et ne le déteste pas en fait, etc.

Chaque pro­fil d’é­lève est dif­fé­rent. Chaque élève est un défi, com­ment le faire tra­vailler le mieux pos­sible, dans les meilleures condi­tions pos­sibles ?

Je com­mence à bien les connaître. J’ai vu des parents. Je suis par­fai­te­ment inté­gré dans l’é­quipe péda­go­gique, mes visites se passent bien.

Je ne com­pre­nais pas les profs qui disent qu’ils sont peu payés. Mais je com­prends main­te­nant, la paie est cor­recte, mais pas en rac­cord avec le bou­lot que l’on fait. On n’ar­rête jamais, le bou­lot rentre chez nous, il uti­lise une pièce com­plète, un bureau. Vous mange vos soi­rées, vos WE. Mais bor­del, qu’est-ce qu’on est utile, qu’est-ce que c’est inté­res­sant.

Par contre, qu’est-ce que je bouffe du dis­cours anti-prof… “Tu bosses 24h et t’es payé 35”, ce genre de choses… Quand j’ex­plique aux gens que j’aide tous les gamins, et que je ne vois pas de dif­fé­rences chez eux, pre­mière chose que j’en­tends “et t’aides aus­si les arabes ?”. Je reste tou­jours autant cho­qué de ce genre de remarques. On me traite de gau­chiste, etc. C’est très très ingrat, je pen­sais pou­voir pas­ser au-des­sus faci­le­ment, mais en fait ce n’est pas si facile, sur­tout quand ça vient de votre propre famille. J’ai presque honte de dire que je suis prof de pri­maire, ça craint. J’ai tou­jours une appré­hen­sion quand je dis ce que je fais. Les gens jugent très très vite, et beau­coup connaissent mieux votre métier que vous même. Vous avez beau sor­tir des argu­ments, des argu­ments ne font pas le poids contre des gens qui ne vous écoutent pas et campent sur leurs posi­tions. Je ne sup­por­tais déjà pas beau­coup de monde, main­te­nant c’est encore pire.

C’est vrai­ment un métier de sacri­fices. On oublie la sor­tie du soir, on change ses amis. Vous vivez pour l’é­cole, presque dans l’é­cole. Il faut l’ac­cep­ter. Je crois que c’est vrai­ment un métier de voca­tion. Il est très facile d’être un mau­vais prof, il est dif­fi­cile d’être un bon prof. Cela s’ap­prend tous les jours, pen­dant des années.

Depuis le début de l’an­née, j’en­chaîne les pas­sages de pur bon­heur avec des moments de grosse déprime, à être au fond du trou. Puis on trouve la solu­tion à notre pro­blème, on remonte la pente, jus­qu’au nou­veau pro­blème.

Cette année est fati­guante, je dois cumu­ler mon métier de prof et mon métier d’é­tu­diant, avec des par­tiels, un mémoire, une cer­ti­fi­ca­tion d’in­for­ma­tique à pas­ser, le niveau B2 d’an­glais à vali­der. Je me laisse traî­ner, on ver­ra où ça me mène­ra.

En tout cas, si c’é­tait à refaire, je le refe­rai.

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3 comments

  1. On croi­rait lire du Cyrille Borne moua­ha­ha.
    Non, sans déc., tu entends vrai­ment “Tu aides aus­si les arabes ?” ?
    Faut répondre “Oui, je leur donne des cours du soir pour fabri­quer des cein­tures d’ex­plo­sifs et se ser­vir d’un GPS dans Paris, connard” :D

  2. “Non, sans déc., tu entends vrai­ment « Tu aides aus­si les arabes ? » ?”
    Oui, et beau­coup trop sou­vent à mon goût…

    À chaque fois je reste con.

  3. Eh beh ! Bon cou­rage dans ce cas vieux ! Encore une demi-année à tenir.

    Étran­ge­ment, c’est vrai­ment repré­sen­ta­tif des gens en géné­ral ce genre de remarque, ils savent mieux que toi ce que tu fais…

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